Il y a deux types de podcasts B2B : les classiques, ceux où on invite un invité random un peu coté pour gagner en street cred.
Et puis, il y a les autres.
En mars 2025, j’ai lancé un podcast B2B fictionnel construit comme un thriller audio. Pas de jargon ou de novlangue entre experts, pas d’interview mollassone avec le CEO de la boîte machin-truc remplie de « tips actionnables ».
Nop, rien de tout ça : juste une enquête audio immersive autour d’une ado australienne de 13 ans qui aurait brassé un million sur LinkedIn… avant de disparaître.
Oui, vous avez bien lu. Et non, ce n’est pas une blague.
Je suis sûr que vous vous demandez pourquoi je me suis lancé dans un projet aussi chelou.
Mon objectif n’était pas de générer des leads, ni de vendre une formation à la fin de l’épisode 4. J’ai juste voulu prouver un truc très simple :
👉 Qu’on peut faire du podcast B2B autrement.
Avec du fond, oui. Mais aussi avec du rythme, une histoire, du style. Et un peu de fun, bordel de nouille.
Aujourd’hui, je vous raconte :
Pourquoi j’ai choisi la fiction plutôt que la table ronde ;
Comment j’ai produit 5 épisodes en solo (avec de l’IA et quelques litrons de café) ;
Et ce que j’en ai retiré de cette petite escapade.
Spoiler : c’est tout sauf une stratégie scalable.
Mais c’est peut-être la meilleure façon de faire un peu de bruit dans une mer de contenus aussi fades qu'une vieille religieuse amère.
Le contexte : en finir avec les contenus B2B soporifiques
Si on jette un regard tout à fait honnête à la prod’ de contenus B2B, on s’aperçoit rapidement qu’une bonne partie d’entre eux pourraient servir de substitut légal à la mélatonine.
Entre les webinars qui récitent des bullet points déjà vus dix fois sur LinkedIn, les interviews où l’on confond « authenticité » avec absence totale de montage, ou encore les podcasts où l’on apprend, avec force soupirs et anecdotes molles, qu’un « pivot stratégique a été vécu comme un vrai challenge d’équipe »… difficile de pas sombrer.
Le contenu B2B est sérieux à s’en rendre malade. Précautionneux. Prédictible. Ennuyant à crever.
Et c’est précisément contre cette inertie que j’ai eu envie de créer un objet sonore qui prenne le contre-pied total.
Un format qui ne cherche pas à cocher les cases de la bienveillance aseptisée, mais à surprendre, à intriguer, voire à déranger légèrement.
En réalité, ce n’est pas la première fois que je tente ce genre de déviation narrative : j’avais déjà expérimenté un truc similaire avec Sapajou, une newsletter dont le lectorat déterminait l’intrigue façon « livre dont vous êtes le héros ». Un format hybride, curieux, un peu foutraque… et profondément vivant. Le post-mortem de Sapajou m’avait laissé un goût doux-amer, comme on dit : beaucoup de plaisir à produire, un peu trop de friction à maintenir. Mais l’envie de décaler les formats, elle, n’a jamais disparu.
C’est donc en croisant cette appétence pour le jeu narratif avec une référence très précise – Murder in HR, le podcast B2B de Caspian Studios, à mi-chemin entre enquête policière et satire RH – que j’ai eu l’idée de ce projet.
Il ne s’agissait pas simplement de raconter une histoire, mais de faire de la forme un message à part entière : oui, on peut parler de business sans lasser ; oui, on peut créer de la tension sans sombrer dans le sensationnalisme ; et oui, on peut captiver des pros avec autre chose qu’un PDF bien brandé ou une série de posts sur « les 5 erreurs à éviter en prospection ».
Le podcast que j’ai imaginé est donc né d’un double refus : celui de l’ennui, et celui de la conformité.
Et à l’inverse, d’un double désir : celui de raconter une histoire, et celui de montrer que même en B2B, il y a de la place pour l’audace.
L’intention derrière le podcast : pas de leads, juste du kif (et de la visibilité)
Dès le départ, je savais une chose : ce podcast ne serait pas un levier commercial.
Ni lead magnet, ni tunnel de conversion, ni aimant à calls découverte, rien de tout ça (même si j’ai glissé Astram comme « sponsor » de l’émission, parce que pourquoi pas après tout ?).
Mon objectif n’était pas d’aligner les KPI, mais de créer un format qui interpelle.
Un contenu qui marque, qui donne envie de le partager, qui change la perception qu’on peut avoir de ce qu’est un podcast B2B aujourd’hui.
Dans un univers où l’on parle sans arrêt de ROI, oui, j’avoue, je revendique ici une démarche gratuitement stratégique. Oui, l’objectif était la visibilité. Pas la visibilité froide, achetée, boostée, mais celle qui repose sur un vrai effet miroir : « Tiens, ce truc-là, c’est différent, c’est original, ça me parle ».
C’est ce type de notoriété qui m’intéressait — pas le funnel.
Avant de me lancer à fond les ballons (d’hélium) dans la prod’, j’ai commencé par crash-tester l’idée dans ma newsletter ; j’ai raconté, sous forme de petit teasing un peu flou, l’histoire d’une ado australienne devenue une star de LinkedIn avant de disparaître ; et histoire de faire les choses bien, je proposais un petit sondage à la fin pour savoir qui ça botterait d’écouter ce genre d’ovni :

Une dizaine de personnes m’ont répondu. Toutes, sans exception, étaient à fond.
L’histoire intriguait, visiblement. Ou le ton plaisait. En tout cas, l’approche semblait sortir du lot. Ce petit test a validé une intuition simple : il y a une vraie attente de contenus business qui ne prennent pas leur audience pour des robots.
Alors certes, ce n’était pas monétisable.
Et oui, j’ai passé plusieurs jours à bosser sur un projet qui ne me rapportera probablement jamais un euro. Mais en échange, j’ai eu droit à quelque chose de rare : des retours enthousiastes, spontanés, qui parlent d’émotion, de surprise, de plaisir d’écoute surtout.
Des commentaires qu’on ne reçoit jamais pour un ebook en PDF.

J’ai d’ailleurs envisagé, en cours de route, de débloquer un petit budget pub pour sponsoriser quelques extraits sur LinkedIn, en ciblant mes ICP.
Après tout, derrière les titres et les outils, ils restent des humains. Et les bonnes histoires, ça marche aussi sur eux.
Le concept : LinkedIn, une ado, une disparition… et un soupçon de True Crime
À la base, l’histoire de Lauren Hurst n’a franchement rien d’exceptionnel. Du moins, pas plus que celles qu’on lit tous les jours sur LinkedIn (hihi).
Une ado de 13 ans, surdouée du personal branding, qui enchaîne les posts à 10k likes, monte une agence, vend des formations et facture des CEO… avant de disparaître complètement, en laissant derrière elle un grand vide numérique.
Son profil ? Supprimé. Son agence ? Evaporée. Les articles médiatiques la concernant ? Sulfatés.
Ce qui rend cette histoire fascinante, me semble-t-il, c’est justement sa plausibilité troublante. On veut croire que c’est arrivé. Parce que ça ressemble trop à ce qu’on voit dans notre feed tous les jours : des ados qui parlent stratégie, des faux experts qui monétisent du vent, des récits calibrés pour buzzer et mourir le lendemain.
Lauren, c’est la synthèse de cette époque où le personal branding a parfois plus d’impact que la réalité elle-même.
Et c’est précisément là que j’ai voulu frapper : en injectant les codes du thriller et du true crime dans un univers professionnel devenu caricatural.
Le format enquête me permettait d’installer un rythme, des tensions, des révélations. Mais aussi de faire passer, sous couvert de fiction, une vraie critique de cette farce permanente qu’est LinkedIn : les pods, les selfies en carton, les CEO de 17 ans, les formations au « personal branding disruptif »… tout y passe. Et tout est crédible, parce que tout est déjà là, à peine exagéré.
Le choix de faire un podcast B2B fictionnel, avec un ton très sérieux et une narration immersive, permettait ce double niveau de lecture : on peut écouter l’histoire au premier degré, se laisser porter, ou bien capter les clins d’œil, les piques, les détournements.
Ce n’est pas juste une histoire sur Lauren. Pour moi, c’était aussi une métaphore grinçante sur notre obsession collective de la visibilité.
Et, pour être tout à fait sincère, c’était également un prétexte parfait pour m’amuser avec un format rarement utilisé dans le B2B. Parce que si Murder in HR a ouvert la voie, peu ont osé suivre. Alors j’ai eu envie d’y aller, moi aussi. Mais à ma sauce.
Making-of : comment on fabrique un faux podcast B2B en solo (avec un peu beaucoup d’IA et un chouille de café)
Ce podcast, je nel’ai pas fait avec une équipe, un studio et trois assistants de prod.
Je l’ai fait seul, dans mon bureau, en jonglant entre ma charge client, mes mails, et les impératifs logistiques d’un quotidien normal souvent brisé par une tornade de 2 piges (oui, c’est de ma fille dont je parle).
Et pourtant, j’ai pu produire cinq épisodes, tous narrés, montés, sound designés, diffusés — avec un objectif simple : aller vite, mais aller (relativement) bien.
Le cœur du projet s’est construit en duo avec ChatGPT (oui, pas des masses de surprise, je sais). Je l’ai utilisé comme partenaire de brainstorm et comme soutien à l’écriture. Objectif : générer une base narrative, construire les trames des épisodes, tester des pistes de récit. Chaque script a été réécrit pour coller à mon ton et aux idées que je voulais push, mais cette phase m’a fait gagner un temps précieux, c’est indéniable.
Côté charge de travail, j’ai tablé sur un jour et demi par épisode, de l’écriture au montage final ; une sorte de compromis entre ambition et réalisme, parce que très sincèrement, c’était ultra court comme timing.
D'ailleurs, il y a pas mal de trous dans la raquette niveau scénario ; j'espère que vous ne les aurez pas trop vus.
Pour les gens que j’ai interviewé dans les épisodes, pas de casting. J’ai enregistré toutes les pistes moi-même, que j’ai ensuite transformées à l’aide de Mangio RVC, un outil d’IA vocale open source. Le résultat me semble plutôt satisfaisant (même s’il aurait fallu que je planche davantage sur la qualité sonore), avec des personnages crédibles, des intonations différentes, et une narration qui tient assez bien la route. L’illusion fonctionne d’autant mieux que le montage est serré et que les dialogues sont rythmés.
Côté son, j’ai pioché dans Epidemic Sound, ma base de données musicale (où j’ai d’ailleurs un abo) pour trouver les ambiances, les transitions, les petites textures qui donnent vie au récit. C’est probablement la partie la plus chronophage : chercher le bon son, au bon moment, pour suggérer une émotion sans la surjouer, c’est un travail d’orfèvre quand on veut que l’auditeur oublie qu’il est sur un podcast B2B.
Enfin, j’ai fait un choix stratégique : produire l’ensemble des épisodes en amont. Je voulais avoir de l’avance, sécuriser la production et éviter de me retrouver à mixer un épisode à minuit la veille de la sortie. C’est ce qui m’a permis de tenir le rythme sans me cramer au fil des semaines, même si la charge de travail était d’emblée assez lourde.
Au final, ça donne un podcast entièrement auto-produit, soutenu par des outils accessibles, mais exigeant en précision et en cohérence.
Diffusion : le choix d’Ausha + relais via newsletter & LinkedIn
Côté diffusion, j’ai voulu rester simple et efficace.
Pas de plateforme expérimentale ou de stratégie « omnicanal » capillotractée, j’ai d’abord choisi Ausha pour des raisons très rationnelles, vu que c’est un outil pensé pour héberger, distribuer et référencer des podcasts rapidement.
À un moment, j’ai sérieusement envisagé Substack. L’idée, c’était de tout centraliser dans un seul et même écosystème puisque la newsletter d’Astram est externalisée là-bas.
Mais j’ai mis cette option en pause : je réfléchis à lancer un podcast plus conventionnel dans les prochains mois (ou pas, on verra), et là, Substack pourrait clairement devenir la bonne base pour ce projet.
La diffusion s’est donc appuyée sur deux canaux principaux :
Ma newsletter, évidemment. C’est là que j’ai teasé le concept, lancé l’épisode 1, relayé les suivants. Mon audience y est engagée, curieuse, et surtout… tolérante aux OVNIs éditoriaux. Enfin, je crois.
LinkedIn, avec des posts narratifs, volontairement décalés du contenu « classique » qu’on y voit. Pas de teasing stérile, pas de faux mystère. Juste des accroches qui jouent un poil la carte du storytelling, comme le contenu lui-même.
Côté retours, les messages ont été globalement très positifs comme on peut le constater précédemment ; les gens ont trouvé ça bien foutu et original. Ce que je n’ai pas eu, en revanche, ce sont des retours détaillés. J’ai posé la question en MP, demandé des feedbacks, incité à noter le podcast sur les plateformes. Peu de réponses. Rien de méchant, mais assez représentatif : dans le B2B, même quand les gens aiment, ils ne prennent pas toujours le temps de le dire. Ça fait partie du jeu.
Est-ce que j’aurais pu faire mieux ou davantage côté diffusion ? Clairement. Mais il y avait toujours cette histoire de temps à consacrer à ce projet (quand on dit qu’on passe trop de temps sur la créa, et pas assez sur la partie diffusion, c’est pas une légende).
Résultats et écoutes : 288 écoutes en 30 jours… pour un OVNI B2B
Bon, pas de suspense : je n’ai pas explosé les compteurs.
Cf graphique ci-dessous pour les 4 premiers épisodes (les 3 et 4 ayant été très mal diffusés pour cause de priorités urgentes diverses, on ne s’étonnera pas trop des chiffres) :

Toutefois, je juge les résultats assez satisfaisants.
Car comme dit en intro, le but n’était pas non plus d’exploser les compteurs. Sincèrement, pour un podcast fictionnel B2B lancé sans promo, sans trop de pub, sans plateforme de relais ni appui média, 288 écoutes en 30 jours, c’est un résultat que je prends sacrément volontiers.
La majorité des écoutes s’est concentrée sur les deux premières semaines, au moment du lancement et de la diffusion du 2ᵉ épisode. C’est là que ma newsletter et LinkedIn ont fait leur taf : relai initial, partage organique, effet curiosité. Ensuite, la courbe s’est logiquement tassée.
Mais l’intérêt ne se mesure pas qu’en volume brut.
👉 Ce podcast n’a pas « buzzé » — mais il a été écouté jusqu’au bout par la majorité des auditeurs.
👉 Il n’a pas généré de centaines de commentaires — mais il a suscité de vrais échanges, souvent en off avec moi, avec des personnes qui m’ont dit avoir écouté tous les épisodes d’une traite.
👉 Il n’a pas rapporté d’argent — mais il a marqué, parce qu’il sortait complètement du moule.
Et surtout : il a confirmé ce que je pressentais.
Il y a une place pour des formats narratifs audacieux dans l’univers B2B.
Pas pour remplacer les contenus classiques. Mais pour les bousculer, pour créer de la surprise, pour donner envie de revenir.
C’est cette valeur d’attention que je suis allé chercher. Et elle ne se mesure pas en clics.
Bilan : ce que j’ai retiré de ce podcast
Je pourrais dire que ce projet m’a permis d’explorer un nouveau canal, de tester un format, de renforcer ma présence. Certes, tout ça est vrai.
Mais ce serait un peu à côté de la plaque.
La vraie leçon que vous pouvez en retirer, vous, c’est que le contenu B2B n’a aucune obligation d’être chiant.
Aucune.
On l’a juste tellement répété, de webinaire en post LinkedIn, qu’on a fini par le croire. Comme si parler à une audience pro imposait de désactiver toute créativité, tout plaisir narratif, toute originalité de ton. Ce podcast prouve l’inverse, tout comme Murder in HR avant lui.
D’abord, les gens adorent qu’on leur raconte une histoire.
Ce n’est pas nouveau, mais on l’oublie systématiquement dans les formats pro.
Même des profils « sérieux », même des decision-makers sont happés quand on les plonge dans un univers bien ficelé, quand la narration les tient, quand la voix les guide. Ils n’attendent pas un contenu utile. Ils attendent une expérience.
Ensuite, j’ai redécouvert à quel point la fiction permet de dire des choses que le contenu classique n’ose plus formuler. En me cachant derrière Lauren Hurst, j’ai pu parler du culte du personal branding, de la mascarade des chiffres LinkedIn, de l’absurde course à la viralité. Des sujets qu’un article de blog aurait rendus moralisants ou convenus.
La fiction, elle, laisse passer la critique sous forme de divertissement. Elle détourne, mais elle vise juste.
Enfin, ce sont les projets qui ne servent à rien qui vous rendent vraiment identifiable. Pas ceux qui « performent ». Pas ceux qui font plaisir à l’algorithme. Mais ceux qui sont tellement singuliers qu’on se souvient de vous à cause d’eux. Ce podcast ne m’a pas rapporté de client. Mais il m’a offert un positionnement éditorial que je n’aurais pas pu revendiquer autrement. Et ça, c’est un actif long terme.
Soyons clairs : je n’ai pas prévu de saison 2. Pas de suite. Pas de « Lauren Hurst : le retour de la vengeance d’outre-tombe ».
Ce projet, je l’ai pensé comme une mini-série. Un one-shot. Un format court et bouclé, assumé comme tel.
Mais l’expérience m’a conforté dans une chose : c’est dans ces formats expérimentaux que je prends le plus de plaisir à créer. Là où il n’y a ni cadre, ni cahier des charges, ni objectif à justifier dans un tableau Notion. Juste une idée un peu tordue, un format à explorer, et cette envie de raconter quelque chose autrement.
Ce podcast a été un test. Et ce test, même à petite échelle, a validé une intuition : il existe un public pour les contenus hybrides, créatifs, narratifs.
Il aura également eu le mérite de me conforter dans mon envie de lancer une chaîne YouTube avec ce même ADN. Des formats fictionnels, des mini-docus absurdes mais crédibles. Des détournements narratifs qui, mine de rien, disent quelque chose de très juste sur notre rapport au travail, au business, à l’image.
On verra où ça nous mène.
Vous êtes une entreprise B2B ?
Si un projet similaire vous botte et que vous avez besoin d'aide pour le lancer, on peut en papoter.



