Le SXO, nouvelle arnaque marketing ?

Veuillez nous excuser ce titre par trop provocateur, à dessein toutefois, et sans arrière-pensée quant à l’avis que nous formulons à l’encontre de cette jeune discipline qui fleurit dans les prairies numériques.

Le SXO, ou Search eXperience Optimization, désigne l’optimisation de l’expérience utilisateur sur un site web, un objectif fort louable au premier regard puisque, après tout, ce sont les utilisateurs qui font la pluie et le beau temps sur le chiffre d’affaires ; dès lors, soigner leur parcours et leur expérience au sein des différentes pages stratégiques du site ne peut qu’avoir des effets positifs sur la conversion. Quel mal y aurait-il donc dans la pratique du SXO ?

Le mal, comme d’habitude, provient de ces quelques webmarketeurs zélés d’outre-atlantique obstinés à révolutionner le web tous les cinq minutes. Dans leurs délires subversifs, ils ont inventé le SXO, alliance improbable des grands principes de l’UX Design et du SEO, en expliquant notamment que le SEO ne suffisait plus, qu’il était presque mort, qu’il était nécessaire d’aller plus loin et de se préoccuper davantage de l’utilisateur.

Il n’est guère étonnant d’assister à de véritables massacres lorsque l’on confie des sujets d’importance aux webmarketeurs du dimanche. Peut-être que si l’on raisonnait davantage et que l’on cherchait moins à faire le buzz à tout prix, on assisterait moins à ce genre d’errances intellectuelles qui inflige d’importants dommages et au SEO, et à l’UX.

Il est plus que temps d’arrêter cette gabegie crasse d’ignorance et de renvoyer le SXO dans la fosse de l’oubli, et nous commencerons d’abord par quelques arguments d’autorité qui mettrons déjà, nous l’espérons, tout le monde d’accord à ce sujet.

 

Définitions de l’UX et du SEO

L’exercice de la définition peut paraître rengaine, mais c’est le seul moyen de savoir ce dont on parle avec précision, et de jeter les bases de compréhensions communes quant aux concepts manipulés durant une démonstration. Commençons avec l’UX Design, via différentes sources, qui pour la plupart soulignent la difficulté de la définir sans paraître trop réducteur :

« Le UX design consiste à penser et à concevoir un site web de manière à ce que l’expérience utilisateur soit la meilleure possible. » – 1min30

« L’UX-Design (User eXperience Design) est une discipline dont l’objectif est de concevoir un produit au service des utilisateurs. » – UX Republic

« L’UX design ou User Experience Design est une discipline permettant d’augmenter les performances d’un site web ou d’une application mobile en le rendant parfaitement conforme aux attentes des utilisateurs. » – Creads

« User experience (UX) design is the process design teams use to create products that provide meaningful and relevant experiences to users. » – Interaction Design

On le voit ici au travers de ces quatre définitions, l’UX Design vise à créer une expérience conforme aux besoins de l’utilisateur, et optimale dans ses mécanismes de fonctionnement. La discipline entière est vouée à l’internaute : on tient compte de ses besoins et on adapte le site (ou l’application) en fonction de ses desiderata.

Au tour du SEO maintenant et, pour ne point causer de jaloux, nous donnerons ici aussi quatre définitions :

« Le SEO (Search Engine Optimization) est l’art d’optimiser un projet web et son environnement pour les moteurs de recherche. » – Thomas Cubel

« C’est un ensemble de techniques, ayant pour principal objectif de valoriser un site ou une URL dans les moteurs de recherches, en lui permettant d’apparaître dans les premières pages de Google. » – Journal du CM

« Le référencement naturel (SEO en anglais) représente l’art de rendre un site Internet aussi visible que possible sans recourir à la publicité payante. » – Yakaferci

« Search engine optimization (SEO) is the process of increasing the quality and quantity of website traffic by increasing the visibility of a website or a web page to users of a web search engine. » – Wikipedia

À première vue, rien à voir avec l’utilisateur : le sujet principal, ici, c’est le site, que l’on essaie de rendre visible sur un moteur de recherche. Cette optimisation de la visibilité passe par différents leviers (technique, liens, sémantique) et, de plus en plus, pour satisfaire aux exigences de Google, il faut satisfaire l’utilisateur, ce qui conduit aux sophismes éhontés qui nous tenaillent ici : le webmarketing s’intéresse à l’utilisateur – pour performer en SEO, il faut s’intéresser (en partie) à l’utilisateur – le SEO, c’est donc du webmarketing.

 

Définition du marketing

Avant d’aller plus loin, intéressons-nous justement à la définition du marketing. Vous verrez, ce n’est pas aussi anodin que ça en a l’air :

« Le marketing peut être défini comme l’analyse des besoins des consommateurs et l’ensemble des moyens d’action utilisés par les organisations pour influencer leur comportement. »  – e-marketing

« Le marketing peut être défini comme l’ensemble des actions ayant pour objectifs d’étudier et d’influencer les besoins et comportements des consommateurs […]. » – définitions marketing

« Stratégie d’adaptation des organisations à des marchés concurrentiels, pour influencer en leur faveur le comportement des publics dont elles dépendent […]. » – mercator

Cessons ici le jeu des définitions et réfléchissons ensemble cinq minutes.

À première vue, il peut faire sens de ranger l’UX Design dans la grande catégorie du webmarketing, notamment lorsqu’il est utilisé à des fins d’optimisation de la conversion – ce qui est, fondamentalement, son but premier, car à moins que vous ne soyez un parangon d’altruisme, personne ne modifie ou n’optimise le design de son site pour le seul bonheur de ses utilisateurs. Disons-le tout net : en créant une belle expérience utilisateur, l’internaute sera plus enclin à acheter votre dernier gadget à la mode. On est donc bien dans du marketing, l’influence du comportement de l’utilisateur.

En revanche, cela l’est déjà beaucoup moins pour le SEO, puisque ce dernier n’a d’autre vocation que l’optimisation d’un site web pour un moteur de recherches. C’est avant tout un métier technique (les meilleurs SEO ont d’ailleurs ce type de profil), qui n’a rien à voir avec le marketing en tant que tel – cela explique peut-être pourquoi tant d’étudiants ne comprennent absolument rien au SEO au cours de leur cursus.

La volonté de catégoriser le SEO dans la grande famille du webmarketing est, par conséquent, soit le fruit d’une spectaculaire ignorance, soit celui d’un je-m’en-foutisme notoire qui semble malheureusement caractériser certains individus travaillant dans les métiers du web. Hélas pour nous, chaque chose a une signification précise, et il serait temps de s’en souvenir avant de se goberger avec le dernier acronyme à la mode.

 

La révolution du SXO

À partir de ce simple constat, difficile de prendre au sérieux le SXO qui se propose de conjuguer une discipline apparentée au webmarketing à… quelque chose qui ne l’est pas et dont l’objectif ne le sera jamais. C’est ainsi que l’on aboutit à des définitions improbables, où le SXO se propose de vous donner à boire et à manger, fait la vaisselle, le café et, si vous êtes sage, un peu de ménage aussi :

« […] Le [SXO] consiste à optimiser l’expérience utilisateurs grâce à différentes techniques spécifiques, depuis la recherche jusqu’à la conversion des leads. » – pandaseo

« Quand on adopte l’approche SXO, le seul positionnement des pages d’un site dans Google, Bing ou encore Yahoo n’est clairement plus suffisant. Ses responsables doivent être systématiquement animés par la volonté de répondre aux attentes des internautes […], au mieux ils doivent tout mettre en oeuvre pour les fidéliser et les convertir. » – seo.fr

« […] Le SXO ajoute la notion d’expérience utilisateur (UX) à l’optimisation pour les moteurs de recherche (SEO), avec pour objectif l’optimisation du taux de conversion. » – anthedesign

Le SXO, c’est donc l’expérience complète, l’extase totale, de l’acquisition à la conversion ; pour un peu, on s’attendrait presque à faire 10000€ par jour sans forcer grâce à cette méthode révolutionnaire qui ne vous coûtera pas un rond. Les dents grincent, l’on s’emporte, mais peut-être que le SXO recèle des méthodologies ou des techniques suffisamment nouvelles ou efficientes pour mériter la création d’une discipline nouvelle ? Jetons un œil sous le capot au travers de différents exemples :

« Le SXO permet d’améliorer l’expérience utilisateur sur un site grâce à différents paramètres allant du graphisme des pages, à l’harmonie des couleurs, aux formes des boutons d’appel à l’action, en passant par la mise en page des blocs textes et photos. » – pandaseo

Tout ça semble formidable, mais il n’y a rien ici de bien nouveau comparé à ce que peut offrir un UX Designer dont le champ de compétences, rappelons-le, englobe justement ce travail de structuration d’une page web. Les petits malins répondront que c’est normal puisque le SXO comprend des bonnes pratiques UX. Tout à fait, mais dans ce cas, y avait-il besoin d’une nouvelle discipline ? Poursuivons notre tour d’horizon :

« Si vous débutez, les premières actions SXO à mener sont les suivantes : étudier l’intention de l’utilisateur et ses problématiques, être présent aux différentes étapes de la recherche de l’internaute avec les bons contenus, produire uniquement des contenus correspondant à des attentes, des usages et des problématiques utilisateurs. » – anthedesign

Rien d’incroyable ni de fondamentalement nouveau : pour être visible sur le web en 2020, il faut effectivement étudier avec attention l’intention des utilisateurs pour un produit ou un service donné, et savoir présenter le bon contenu au bon moment lors de la phase navigationnelle. Il s’agit de bons principes qui recoupent les domaines du SEO et de la conception de contenus, mais le SXO n’a rien inventé.

Poursuivons :

« Pour optimiser son SXO, il est également indispensable de déterminer et de travailler son cocon sémantique. » – decoeur

Nous tombons ici sur le concept de « cocon sémantique » théorisé et popularisé par Laurent Bourrelly. Que l’on ne s’y trompe pas : à la base, si les SEO se sont amusés à construire des cocons sémantiques, c’était dans une perspective moteur, car l’on constatait d’excellents gains de visibilité via cette typologie de structuration de contenus ; apporter des informations pertinentes à l’utilisateur, c’est la petite cerise sur le gâteau. Reste qu’une fois de plus, le SXO reprend à son compte un concept vieux comme le monde en SEO, ou presque.

Continuons :

« Le nombre de clics courts, clics longs, le CTR (taux de clics par rapport aux impressions d’un résultat), le clic suivant (après pogo-sticking) et la recherche suivante, le taux de clic sur la deuxième recherche… Le bon traitement de l’ensemble de ces indicateurs permettra de perfectionner l’expérience utilisateur et d’améliorer son référencement. » – decoeur

Le SXO devrait donner lieu à des résultats mesurables en web analytics. Certes, comme n’importe quelle action digitale bien menée et planifiée, il faut le dire. On fait ici un étalage de métriques qui peuvent hélas tout et rien vouloir dire – je recherche encore la signification de clics longs et de clics courts d’ailleurs. Dans le cas d’un blog par exemple, on devrait avoir logiquement des mesures désastreuses en termes de taux de rebond, de visites sur une deuxième page du site, voire même en « pogo-sticking », car l’utilisateur passe son temps à faire des allers/retours en phase de recherche informationnelle. Cette fameuse mesure du « pogo-sticking », qui revient assez souvent dans les articles consacrés au SXO, est malheureusement un mythe au même titre que la licorne : John Mueller l’a démenti en juillet 2018, de même que Vincent Courson en mars 2019.

Addentum août 2020 : Bon, il semblerait qu’on ait un autre son de cloche sur ce point, puisque les documents révélés au cours de l’audition de Google devant le Congrès indiquent que le moteur utilise des « signaux » utilisateurs, notamment des clics. Dans quelle mesure ? On en sait rien. Les documents datent d’il y a une dizaine d’années, ça vaut donc ce que ça vaut.

Continuons notre petite visite de l’arsenal SXO :

« Pour réaliser une stratégie efficace, vous allez devoir maitriser le SXO. En effet, en comprenant les besoins et les attentes des utilisateurs, vous pourrez orienter au mieux votre stratégie. » – guersanguillaume.com

Oui, cela s’appelle du marketing, qui commence en effet par une juste compréhension de ses consommateurs et de leurs besoins avant de leur jeter des paillettes dans les yeux. Heureusement que personne n’a attendu le SXO pour s’y mettre.

Parviendra-t-on à trouver une technique révolutionnaire inventée par le SXO ? Nous commençons à désespérer.

« Le SXO présente donc l’intérêt de prendre en compte l’expérience de l’utilisateur dès sa requête sur un moteur de recherche. L’orienter vers le site dans lequel il aura le plus de chance de trouver son bonheur par rapport à sa recherche est déjà une façon d’améliorer son expérience utilisateur et donc de le guider plus facilement vers la conversion. » – Facemweb

Cette assertion pose de nombreuses interrogations, à commencer par la première d’entre elles : comment peut-on soigner l’expérience d’un utilisateur sur un moteur de recherche appartenant à une société privée ? La réponse coule de source : c’est impossible. À moins d’avoir ses entrées chez Google et de manipuler les résultats de recherche qui sont affichés à l’écran, il n’est pas possible d’obtenir la maîtrise de l’écosystème dans lequel baigne un internaute lambda sur Google. Ce prétendu bienfait du SXO est donc au mieux hypocrite, au pire malhonnête : personne n’est capable de le réaliser. Quant au fait d’orienter correctement l’utilisateur, cela ne fonctionne que si l’on dispose de plusieurs sites dans les résultats de recherche dans une stratégie de domination des SERP, autrement quoi l’on se heurte fatalement à des concurrents. Qui, dans ce cas, est capable de dire si tel clic sur tel résultat est juste ? Abandonnons-là toute histoire de morale, qui est, selon certains, un problème d’esclave.

Repartons à l’assaut et tentons de trouver, une énième fois, ce qui rend si différent le SXO :

« Plus globalement, le SXO va chercher à davantage faire passer l’internaute à l’action (envoi de formulaire, achat, téléchargement…), au delà de l’objectif de positionnement sur les moteurs vue par l’approche SEO. » – Bolero

Cela tombe bien, ça n’a jamais été l’objectif du SEO. Mais de l’UX Design, là, oui : chercher à faire convertir l’utilisateur, c’est l’un de ses critères à cocher dans son cahier des charges. Toutefois, comme nous pouvons le constater, pas besoin d’attendre le SXO pour ce faire, l’UX s’en chargeait très bien tout seul.

Faisons une dernière tentative :

« Le SXO ajoute les critères suivants : les performances (temps de chargement des pages, optimisation à la navigation mobile), la qualité des pages de destination, l’utilisabilité et l’accessibilité. » – Rollingbox

On retrouve ici un autre critère, technique celui-là : pour un « bon » SXO, il faudrait également veiller aux performances des pages de destination. Outre le fait que les développeurs ont déjà à l’esprit ce souci d’optimisation pour délivrer un site « propre », certains parlaient déjà en 2013 d’optimisation des pages de destination – comme quoi, ça ne date pas d’hier. Quant aux deux derniers critères, « utilisabilité » et « accessibilité », les praticiens de l’UX Design les connaissent déjà.

 

Le SXO et la poudre de perlimpinpin

Arrêtons ici le massacre et soyons honnête envers nous-mêmes : le SXO est une fabuleuse poudre de perlimpinpin qui, sous couvert de progrès et de nouvelles techniques webmarketing, se contente en réalité d’inventer l’eau chaude. Et c’est là le seul point que nous dénonçons dans cet article puisque, du reste, nous sommes d’accord sur les bonnes pratiques qu’il met prétendument en avant.

Car là où le discours est particulièrement retors, c’est qu’il est difficile d’être contre le SXO : évidemment que l’apport d’audience ne suffit pas sur un site web, encore faut-il convertir cette audience via différents leviers. Avoir de l’audience, c’est bien, mais si elle n’achète pas, ça ne sert à rien. Il faut donc aller plus loin et penser son site intelligemment avec des bonnes pratiques UX par exemple ; mais de là à inventer une pseudo discipline constituée d’un gloubi-boulga de bonnes pratiques élémentaires, il n’y a qu’un pas que certains ont franchi sans sourciller.

Comme n’importe quelle discipline web, le SEO et l’UX rentrent au confluent de plusieurs domaines de compétences avec qui ils doivent accorder leurs violons : développement technique, stratégie éditoriale, acquisition payante, medias sociaux, stratégie medias, webmarketing… Chacun constituant un rouage particulier de la machinerie permettant à un site de performer correctement. Dès lors, inutile de s’encombrer avec un SXO redondant à l’excès car, comme dirait l’adage, chacun son domaine… et les moutons seront bien gardés.

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