Non, on ne surfe pas sur la vague du millénarisme SEO – gnagnagna, le SEO est mort, Google est un cancrelat, il faut revoir nos méthodes de travail (« mais que diable allons-nous devenir ? »). Il s’agit ici d’interroger de vieilles pratiques jansénistes sans doute ancrées dans les process comme l’est le blast dans le cœur d’un spammeur : les listes de mots-clefs (ou « expressions-clefs », car une suite de mots constitue une expression) ont-elles encore un sens aujourd’hui ?
A la lecture de cette question, Raoul-Kévin, le moins sagace des référenceurs, aura tôt fait de nous lancer un pavé à la tête. « C’est con vot’ question. Z’êtes en train de dire que la recherche d’expressions utilisateurs sert à rien, quoi. Et comment qu’on ferait pour travailler sans keywords ? Comment qu’on ferait pour positionner un client ? Sombre nouille ».
La short-tail, artefact antédiluvien du SEO ?
Raoul-Kévin n’a pas tout à fait tord. S’il est aujourd’hui difficile de faire ranker un client sur « tarte au citron » sans l’inclusion de cette expression dans ses contenus on-site, à l’heure où l’on cause « cocon sémantique« , « corpus sémantiques » et « Colibri« , il convient de s’interroger sur la pertinence de la constitution d’une short tail et le monitoring d’un petit éventail d’expressions qui ne généreront que très peu d’audience. Monsieur Faure ne renierait d’ailleurs pas que c’est grâce à la Longue Traîne qu’est drainé la majorité du trafic. Une question en entraînant une autre : les concepts de corpus et de cocons sémantiques ne sont-ils pas précisément rattachés à celui de Longue Traîne ? Eh bien si, de toute évidence. L’inclusion d’expressions synonymiques ou interconnectées au niveau thématique n’a en tout cas rien à voir avec notre amie la short tail.
On est alors en droit de se demander si la rigoureuse sélection de keywords en vue de positionner un site est encore bien utile. A l’image de la balise meta keywords, notre petite liste d’expressions-clefs utilisée pour ancrer nos liens et surveiller nos positions sera-t-elle désuète d’ici quelques années ? A l’heure où nos docteurs ès netlinking diluent leurs ancres de liens pour rester sous le radar du Géant, j’ai bien une petite idée sur la question.
Les mots-clefs, matière première du web
Si tous les moteurs de recherche se sont fondés sur l’indexation de sites et leur recherche par mots-clefs, Google cherche en tout cas à s’en délivrer. Force est de constater que nous n’avons pas encore franchi de cap déterminant. Les prémisses sont là, les fondations sont posées ; cependant, le keyword stuffing fonctionne encore, on peut toujours bourriner avec des ancres bien solides, il est impensable de ne pas soigner aux petits oignons ses titles, ses meta description et son balisage sémantique. Mais pour combien de temps ?
Si l’on cause cocon sémantique dans les chaumières, c’est bien que les choses ont changées. Si tout le monde se touche un peu la nouille sur le web sémantique (nous les premiers, certes), c’est que le vent tourne petit à petit. Certes, Google est encore largué sur le sujet – mais ses différentes acquisitions dans le domaine de l’intelligence artificielle et ses brevets déposés en matière de web sémantique montrent bien qu’il cherche à se perfectionner et, pourquoi pas, se transcender un jour. Ils en ont les moyens.
Les mots-clefs demeurent (pour l’instant) la matière première du web. Avec des mots, on construit des expressions, avec des expressions, des phrases, et avec des phrases… des textes. A ses débuts, le web était sacrément spartiate – minimaliste, aurait dit Steve Jobs. Du texte noir sur fond blanc. Est ensuite venu l’enrobage – le design, l’ux, tout ce qui est beau, coloré et qui fait plaisir à la rétine. Puis ce fut l’avènement des moteurs de recherche, du PHP, du Javascript, des petites balises pour aider les moteurs à mieux comprendre de quoi on parlait, des extraits enrichis. Mais le fond est toujours resté le même : du texte et rien que du texte, sans quoi les moteurs sont largués pour indexer vos pages. Le jour où les keywords ne seront plus aussi importants que maintenant, on aura franchi un sacré cap.
La mort des keywords ?
Que l’on se rassure : les keywords ne sont pas (encore) morts. Attaquer le référencement d’un site sans un sérieux travail de recherche sémantique serait suicidaire – ou plutôt, le site en question ne bénéficiera pas d’un plein potentiel d’acquisition de trafic. Il est néanmoins à noter que les méthodes de classification et d’indexation des moteurs de recherche – enfin, de Google quoi – évoluent et qu’une liste brute d’expressions-clefs placées ici et là dans vos métadonnées ne suffisent parfois plus toujours à faire la différence, surtout sur de la requête concurrentielle.
Les clients sont toujours ravis d’être premiers sur leur requête fétiche, mais est-ce que cela est utile ? Le doute est permis. Le monitoring d’expressions-clefs permet toujours de jauger de l’état d’audience global du site, mais ce n’est que la pointe immergée de l’iceberg. Combien d’autres expressions tordues et longues d’un kilomètre les utilisateurs ont-ils tapées pour arriver sur votre site ? Avec ce foutu https, vous ne le saurez jamais. Mais s’ils sont arrivés là, ce n’est pas par hasard ; c’est parce que Google a considéré votre page comme pertinente par rapport à la requête-tordue-longue-d’un-kilomètre, et ce via le prisme de nombreux facteurs qui ne se résument pas à du keyword brut.
L’obsolescence programmée des expressions-clefs soulève de nombreuses questions sous-jacentes auxquelles il est difficile de répondre. La mise au point d’une stratégie sémantique se constituant en amont de tout travail SEO et impactant le reste de la chaîne, notamment le content marketing, cela reste compliqué de se projeter dans un monde où les expressions-clefs seront remplacées par des sujets.
De toute façon, d’ici là, le SEO aura expiré son dernier souffle depuis belle lurette (ou pas).