Des mots trop usités, trop cramés

Certains mots sont tellement ressassés ad nauseam qu’ils ont perdu toute substance.

Tenez, au hasard : expert.

Le truc est tartiné sous toutes les formes, à toutes les sauces, et au final, tout le monde se retrouve expert dans son domaine.

Cette cacophonie d’expertises a-t-elle encore un sens ? Le doute est permis.

(c’est comme les profils « atypiques », mais bon, on a pas envie de se mettre tout le monde à dos 🤗)

Ça vaut aussi pour les phrases toutes faites ou les locutions figées qu’on recycle par manque de temps, de compétence ou, pire, par fainéantise.

Quand on lit des trucs comme :

  • « Le client est depuis toujours notre priorité »
  • « Notre équipe à taille humaine saura s’adapter à votre projet sans la moindre difficulté »
  • Ou « Laissez-vous tenter par notre gamme de produits originaux à petit prix ! »

On a juste envie de se barrer en courant : c’est creux, ça ne veut plus rien dire, c’est le degré 0 du marketing de contenu.

Pause écriture : des mots brûlés sur l’autel des algorithmes

Ici et là, le constat est identique, l’amertume cinglante :

L’écriture a été immolée sur l’autel du marketing et de l’optimisation brute, son cadavre jeté en pâture à des robots pour satisfaire leur fringale algorithmique.

Mis aux fers par des sociétés d’outre-Atlantique, les mots ont été captés, rationalisés, privatisés pour des monceaux de billets verts.

Cette servitude volontaire, nous l’avons acceptée bien volontiers, aveuglés par les attraits de la visibilité facile et d’un confortable chiffre d’affaires.

Notre crime ?

Des textes sans cœur ni saveur, des contenus rédigés pour un paquet de bits numériques et qui ne sonnent ni ne résonnent pour personne.

Las que la forme vampirise le fond et que l’écrit coule dans des abysses informatiques, il est l’heure d’exhumer l’écrit de ses tréfonds pour lui redonner son style et sa noblesse.

Doit-on dire « haha » ou « ahah » ?

En parlant de mots trop usités sur lesquels on ne s’interroge pas (ou plus)…

Hier, on a vu passer sur LinkedIn un fabuleux sondage : « Tu es plutôt ‘Ahah’ ou ‘Haha’ ? »

Au-delà des préférences de chacun, la question n’est pas si bête qu’elle en a l’air ⤵️

Croyez-le ou non, mais précisons tout d’abord que les deux orthographes sont correctes – « Ahah » ou « haha » sont deux interjections que l’on cale dans une phrase pour exprimer une émotion.

Par contre, c’est là où ça devient intéressant 😏

Suivant que l’on utilise « haha » ou « ahah », le sentiment que l’on souhaite exprimer est différent. Eh oui.

En bon françois, « haha » sert à exprimer le rire ; « ahah » marque quant à lui la surprise.

« Haha » est, selon le Larousse, la forme contractée de « Ha ! Ha ! » (soit une onomatopée pour dire qu’on se fend la poire en quatre), et « ahah » la forme dérivée de « Ah ! » ou de « Ah. », suivant le degré de surprise qu’on veut laisser filtrer (la ponctuation est notre amie, elle aussi elle aime pas les salsifis 🎵)

D’ailleurs, on écrit « Ah bon ? » ou « Ah bah oui » quand on est surpris par un truc. Pas « Ha bon ? ».

Pause écriture : ciseler ses mots comme un orfèvre

Dédaigner les proverbes faciles et les phrases trop usitées,

Les textes lestés d’un marketing aussi plombant que suranné ;

Écarter les contenus aux algorithmes complaisants,

Les mots-clefs délavés qui crèvent dans un article dissonant.

Avoir l’audace de s’engager sur des chemins de traverse et, comme l’artisan dans son atelier, prendre le temps de sculpter, de raboter et de polir ses écrits comme autant d’ornements que l’on se plaira à lire et à commenter.

L’Académie Française aussi crame des mots sur le bûcher

Saviez-vous que l’Académie française a aseptisé notre langue ?

Non non, on ne plaisante pas 👀

Dans leur gigantesque mouvement de normalisation et de codification courant XVIIIe, elle a :

➡️ Éliminé les mots jugés trop archaïques ;
➡️ Fustigé les provincialismes (trop petit peuple, le langage de la Cour, ça claque quand même davantage niveau prestige) ;
➡️ Supprimé des néologismes et découragé leur utilisation (« doit être aussi rare que les comètes », dixit Charles de Saint-Paul) ;
➡️ Interdit la féminisation de la plupart des noms de métier (alors que ça existait hein, « autrice » est attesté dès le XVe siècle).

En résumé, ils y sont allés comme des bourrins.

Redorer le blason des Lettres

S’extraire des conventions et des textes insipides qui se consomment d’un trait sans attrait ;

Rebattre l’amont en quête de sens et d’identité, le torse plastronné d’audace et les poings cerclés de mots affilés ;

Puis mettre ses phrases en ordre de bataille pour planifier l’hallali dans ses plus infimes détails.

Tisser des rimes qui ferraillent au diapason du style et du rythme, des assonances et des allitérations, ressac de vers et de prose à l’encontre et à l’envers, entrelacs de voix et de chansons qui tissent leur cri à l’unisson.

S’embraser enfin comme un feu de joie qui crépite dans un hiver d’algorithmes.

⚔️

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